AVEU

Article

Robert VOUIN

Edité par Encyclopædia Universalis - 2009

Le terme « aveu » (du latin advocare, appeler ou avoir recours) désignait, à l'époque féodale, l'acte par lequel le serviteur reconnaissait son maître et le maître son serviteur. Il a pris ensuite le sens général d'approbation ou consentement et, dans la langue judiciaire, celui de reconnaissance, par une partie au procès, d'un élément favorable à la thèse de la partie adverse.Une tendance naturelle pousse les hommes à exprimer des aveux qu'une longue tradition autorise à retenir contre eux à titre de preuves, tant dans le procès civil qu'en procédure pénale. La multiplicité des aveux est un fait d'expérience – bien que la criminologie, trop exclusivement attachée à l'étude des causes du crime, la néglige ordinairement – et l'efficacité juridique reconnue à l'aveu a sa justification.La preuve par l'aveu n'est cependant pas admise de la même façon dans le procès civil et dans le procès pénal. Ceux-ci conçoivent différemment l'aveu, et la justice criminelle, en particulier, quoique sachant la valeur souvent très relative de l'aveu, manifeste envers lui une fidélité qui se comprend, mais aussi une ardeur à l'obtenir par laquelle s'explique le discrédit dans lequel est tombée l'ancienne « reine des preuves ».Un mot connu, dont l'expression est attribuée à Fouché ou à Talleyrand, mais dont l'inspiration pourrait bien remonter à Voltaire ou Molière, veut que la parole ait été donnée à l'homme pour qu'il puisse déguiser sa pensée. Plus réaliste est sans doute le « N'avouez jamais... » crié par le boucher Avinain à la foule, au moment de son exécution.Indépendamment des ennuis qu'auront pu valoir à leurs auteurs de « doux aveux » ou quelque « aveu dépouillé d'artifice », il est de fait que l'homme manifeste une propension certaine à s'avouer dépendant, en défaut ou en faute. Ce peut être par égard pour la vérité ou dans quelque sentiment d'humilité qui vaudrait d'être approfondi ; de toute façon, le fait est là, comme l'attestent une longue pratique de la confession (sacrement de pénitence) dans le catholicisme et l'expérience des polices de tous pays, qui savent avec quelle facilité tel délinquant, une première fois condamné en suite de ses aveux, avoue encore, et spontanément, après récidive et arrestation nouvelle.Or, cet aveu consenti aisément, et plus souvent qu'on ne le croirait (dans un tiers des cas, selon Scotland Yard), présente pour la justice une incomparable valeur de preuve.Certes, l'aveu peut être, par mensonge, contrainte ou erreur, aussi trompeur et fallacieux que bien des témoignages. Pierre Bouchardon, dénonçant la « fragilité de l'aveu » à l'occasion de l'affaire Doise (1861-1862), n'a-t-il pas demandé : « Quel est le magistrat qui, une fois au moins dans sa carrière, n'a reçu de faux aveux ? » Comment ne pas croire cependant une personne qui est peut-être la seule à savoir ce qu'elle a fait ou dit, et dont les déclarations paraissent d'autant plus convaincantes qu'elles ne servent pas ses intérêts, mais ceux d'une partie adverse ? Qui pourrait nier qu'un aveu puisse seul, en certains cas, délivrer de tout doute la conscience du policier, du procureur ou du juge ? Mais tous les aveux ont-ils exactement la même signification ?À l'origine de l'aveu mensonger apparaît le plus souvent la volonté d'obliger autrui. L'aveu, dans l'opinion générale, ne procède cependant pas d'une volonté quelconque, mais plutôt d'une nécessité qui veut qu'on s'incline devant la vérité d'un fait comme devant l'évidence d'un flagrant délit. L'aveu doit-il être compris comme un fait juridique, susceptible d'être retenu en preuve de la même façon que toute autre circonstance de fait, ou est-il un acte juridique, c'est-à-dire une manifestation de volonté produisant un effet de droit ? Il suffit de poser la question pour qu'une distinction s'impose.En France, par exemple, il est admis dans l'ordre de la procédure civile que « l'aveu n'est toujours qu'une manifestation unilatérale de volonté, laquelle n'est pas nécessairement le reflet exact de la vérité » (R. Perrot), alors que le Code de procédure pénale de 1958 traite l'aveu « comme tout élément de preuve », comme l'une quelconque de ces preuves sur lesquelles le juge de répression peut fonder sa décision, à la condition qu'elles lui soient apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui (art. 427 et 428).Fondamentale, cette distinction demande à être précisée, mais la préciser, c'est approfondir du même coup la nature de l'aveu.

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