CRÂNE

Article

Didier LAVERGNE

Edité par Encyclopædia Universalis - 2009

L'ambiguïté de la notion de crâne traduit bien la dualité anatomique du squelette céphalique humain. Souffrir de névralgie faciale ou se plaindre de douleurs crâniennes (céphalées) ne prête guère à confusion : massif facial et boîte crânienne réagissent différemment. Cependant, cet objet composite dont la souffrance sépare les deux parties est couramment désigné dans sa globalité comme étant un crâne. Il est le symbole de la mort, mais aussi le témoin – à l'état fossile – de l'histoire de l'humanité, et donc une figure de la durée au-delà de la mort. Depuis longtemps, les naturalistes ont cherché à comprendre l'originalité anatomique de cette partie du squelette humain, en s'appuyant sur l'anatomie comparée.Le crâne des vertébrés est un édifice squelettique complexe, qui se développe autour du cerveau et des organes sensoriels spéciaux de la région céphalique. Il prolonge la colonne vertébrale et constitue avec elle le squelette axial. Le crâne humain est le résultat d'une longue évolution dans le cadre du plan d'organisation caractéristique des vertébrés. Sa boîte crânienne, très dilatée, et la face, qui en sont les deux constituants essentiels, ne peuvent être interprétées clairement que si l'on suit cette évolution au cours de l'histoire des vertébrés. Ce faisant, les études paléontologiques portant sur les fossiles appartenant à ce phylum ont apporté à la théorie de l'évolution des arguments décisifs.Influencé sans doute par ses études antérieures sur la morphologie florale et par ses conceptions d'anatomie végétale, J. W. von Goethe, observant un crâne de mouton, le vit constitué d'une série de pièces osseuses et fit le rapprochement avec la série des vertèbres dans le tronc. Il édifia ainsi, en 1820, la « théorie vertébrale du crâne », selon laquelle chacun des constituants du crâne est assimilable (on dira plus tard « homologue ») à une vertèbre. C'était en quelque sorte chez lui une approche clairement évolutive du programme de développement chez les vertébrés.Cette thèse fut développée par Lorenz Oken, en Allemagne, par Richard Owen, en Angleterre, et admise, malgré les réserves de Cuvier, par la plupart des anatomistes de la première moitié du XIXesiècle, Thomas Huxley mit les choses au point en 1858, en montrant que le développement du crâne se déroule de manière semblable chez tous les vertébrés mais sans trace d'une segmentation comparable à celle de la colonne vertébrale.Bien que la théorie vertébrale du crâne n'ait plus qu'un intérêt historique, une compréhension de l'architecture crânienne doit cependant tenir compte de l'interprétation segmentaire de la tête. La région céphalique des vertébrés présente en effet des traces manifestes – nettes surtout chez les vertébrés inférieurs– d'une disposition métamérique c'est-à-dire d'une succession de modules corporels similaires auxquels on donne, lorsqu'ils s'ébauchent chez l'embryon, le nom de somites. Au cours de son développement, la métamérie de la tête se traduit par la formation d'un certain nombre de somites, dont trois, dits somites prootiques parce que situés en avant de l'oreille, donnent naissance aux muscles du globe oculaire. En arrière de l'oreille, deux somites, dits métaotiques, ont leur évolution entravée par le développement de la capsule otique (appareil auditif) et ne fournissent pas de musculature.Les somites suivants, constitués d'un nombre variable d'éléments vertébraux annexés au crâne (3 chez l'homme) fournissent une musculature qui, repoussée en arrière par le développement du pharynx, revient ventralement vers l'avant pour constituer les muscles hypobranchiaux qui chez les tétrapodes deviennent muscles sous-hyoïdiens et linguaux alors qu'ils ont chez les poissons un rôle respiratoire.Finalement, les meilleurs indices de la métamérie céphalique sont fournis par les nerfs crâniens (Gegenbaur), tout au moins par certains d'entre eux (V, VII, IX, X, XI) qui sont reliés au tronc cérébral et associés au squelette viscéral. Toutefois une grande partie du crâne, celle qui protège le cerveau antérieur, n'a aucune relation avec la métamérie céphalique (cf. tête et cou). Il convient donc, dans l'étude du squelette céphalique, de ne pas confondre le neurocrâne, et le crâne viscéral ou splanchnocrâne.

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