SUICIDE

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Baldine SAINT GIRONS

Edité par Encyclopædia Universalis - 2020

Le suicide trahit au premier chef le désir de surmonter l'irréversibilité, mais dans l'antécédence. « C'est parfois la peur de la mort qui pousse les hommes à la mort », disait Épicure. Mais qu'est-ce que cette crainte de la mort, sinon l'attente d'un sort inévitable ? Aussi bien, l'angoisse de mort ne s'origine point tant dans un amour de la VIe que dans un amour de l'homme pour sa propre personnalité. Se donner la mort, c'est clore son destin, en se précipitant dans l'immédiatement antérieur. Mais c'est aussi maintenir jusqu'au dernier instant l'ouverture de ce que Sénèque appelle, avant Sartre, le « chemin de la liberté ». C'est prouver la maîtrise que le sujet exerce sur ses conditions d'existence.Qu'importe alors la cause immédiate : corps dont les infirmités importunent, échec que la réitération transforme en destin, désespoir quant à la réalisation des possibles, mélancolie ou désintérêt généralisé ? « Si je pense à la mort, disait pourtant Nizan, c'est bien fait : ma VIe est creuse, et ne mérite pas la mort. » Mais au contraire Montherlant : « Défaite ou non du suicidé, cela a peu d'importance si, par son suicide, il a témoigné de deux choses : de son courage et de sa domination. Alors le suicide est l'épanouissement de sa vie, comme la flamme épanouit la torche. »Certes, il est difficile d'éviter de porter un jugement moral à l'égard du suicide : le volontaire de la mort dresse le procès de la VIe en général, mais par là même celui de ses parents, de ses proches, de la société et du système politique. Néanmoins, s'il engendre des réactions extrêmes comme l'estime ou le dégoût, le suicide suscite plus fréquemment la sympathie et la pitié, auxquelles n'est pas sans se mêler un indéfendable sentiment de culpabilité.Comment peut-on alors fonder ce jugement moral ? Aux confins du normal et du pathologique, le suicide semble justiciable tant d'une analyse philosophique que d'une explication psychologique et sociale. Mais la clinique constitue sans doute la « voie royale » pour l'étude du suicide : celui-ci paraît en effet s'ancrer dans un processus mélancolique, et il a appartenu à Freud d'en montrer les liens avec la pathologie du deuil.

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