TATOUAGE

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Catherine GROGNARD

Edité par Encyclopædia Universalis - 2009

Signe inscrit dans la peau de manière permanente et profonde, le tatouage a longtemps fait l'objet d'un rejet social redoublé d'un complet désintérêt scientifique, en raison des interdits religieux, des préjugés raciaux et de l'infamie qui lui ont été attachés pendant des siècles. À la faveur des études ethnologiques et psychanalytiques, ce phénomène d'écriture sur le corps a été enfin décrit et analysé à partir du milieu du XXe siècle sans a priori. Presque dans le même temps, les tatouages se répandaient dans toutes les sociétés du monde et leurs significations traditionnelles s'atténuaient ou disparaissaient au profit d'une lecture postmoderne du corps.Cette inscription profonde sur la peau revêt à la fois un sens métaphysique, psychologique et social, sans jamais perdre une visée esthétique. Elle est, comme le maquillage, une inscription ostentatoire ou non, qui relève de la catégorie de l'ornement, mais elle échappe au caractère éphémère de ce dernier. Le tatouage est réalisé « une fois pour toutes ». Cette durée exclut le tatouage de la problématique du leurre, du factice, du paraître, au contraire, elle le situe dans une permanence de l'être favorisée en cela par l'intégration corporelle et psychique du dessin. En outre, il est un acte poïétique, une production technique qui peut avoir une visée artistique, une finalité sans fin. C'est aussi un langage symbolique ou scripturaire, un texte de signes pour l'essentiel non linguistiques, mais pourtant décryptables comme des énoncés. Si Marcel Mauss ne l'inscrit pas dans les techniques du corps, c'est-à-dire les « façons dont les hommes savent se servir de leur corps », c'est parce qu'il échappe en partie à la notion d'efficacité ou d'utilisation fonctionnelle, même s'il peut être pensé par certaines sociétés comme un signe médicinal ou prophylactique.Acte symbolique et artistique, le tatouage engage le tatoueur et le tatoué dans une relation créatrice, duelle et agonistique. En tant que forme esthétique, le tatouage présente aussi des formes à la perception et à l'art, en même temps qu'il figure le sujet sensible, le groupe auquel il appartient et les relations qu'il entretient avec celui-ci. Révélateur social, le tatouage n'est donc plus un objet d'infamie ou de marquage vulgaire, mais une inscription signifiante, qui peut désormais s'autoriser des analyses de l'anthropologie, de la philosophie ou de la métaphysique.

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