GOTTFRIED WILHELM LEIBNIZ (1646-1716)

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Martine DE GAUDEMAR

Edité par Encyclopædia Universalis - 2024

Sartre et Nizan s'amusaient à dessiner une monade au bain. Mais une monade peut-elle prendre un bain ? On dirait aujourd'hui : oui ! Car il n'est pas de monades sans organes. Les concepts de G. W. Leibniz, parfois étranges, demandent une grande attention aux textes et à leurs contextes. C'est sans doute pourquoi son œuvre connut une étrange destinée. Ce philosophe baroque, à la fois très connu et méconnu, est fondamentalement peu lu. Il est encore moins replacé dans le siècle de Louis XIV (1638-1715) avec son contexte européen fait de controverses scientifiques, philosophiques et politiques dont Leibniz fut une sorte de plaque tournante. Pourtant, la phénoménologie en a fait le précurseur de l'intentionnalité, tandis que la philosophie analytique salue en lui le logicien de génie, précurseur de Boole, fondateur de la logique mathématique. On admire en Leibniz, depuis Fontenelle jusqu'à Lévi-Strauss et Deleuze, le penseur universel conjuguant les disciplines, le génie rationnel et multiforme cherchant à concilier la raison avec les faits et les dogmes, l'inventeur de concepts mathématiques et métaphysiques, le philosophe du progrès des arts et des sciences en vue du bonheur du genre humain. On voit en lui le précurseur des Lumières, de l'Encyclopédie de Diderot et D'Alembert, de la logique formelle, de la cybernétique, ou du structuralisme.La recherche leibnizienne a beaucoup progressé depuis un siècle grâce à l'édition de textes encore largement inconnus des grands commentaires du début du XXe siècle (Russel, Cassirer, Couturat). Penseur systématique, Leibniz n'est pourtant pas l'auteur d'un « système » à la manière de l'Éthique de Spinoza. On ne trouvera pas chez lui de propositions premières dont on pourrait déduire une doctrine d'ensemble. Leibniz, penseur du détail et des singularités, a toujours une vue d'ensemble. Mais son œuvre est dispersée, faite de fragments, d'opuscules, d'essais, de lettres, de programmes de recherche rédigés en latin et en français. Le philosophe a continué à modifier et à enrichir ses vues jusqu'à sa mort en 1716, avec cette constante exigence de clarté et de rationalité qui fait son style propre. C'est une œuvre vivante, faite de multiples « points de vue » ou perspectives, dont il faut retracer le devenir, plus proche des Variations Goldberg de Bach que d'une cathédrale gothique.

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