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SAVINIEN CYRANO DE BERGERAC (1619-1655)
Article
Edité par Encyclopædia Universalis - 2009
Si l'indiscret Tallemant des Réaux n'accorde, dans ses Historiettes, que quelques lignes à Savinien Cyrano de Bergerac, encore est-ce pour avancer, sur la foi d'un libraire, que sa tragédie, La Mort d'Agrippine, ne dut son succès qu'à « de belles impiétés ». Serait-ce donc le destin de Cyrano de ne susciter que commérages ou contresens ? Ce fut pourtant son lot, jusqu'aux articles de Nodier en 1838 et de Théophile Gautier en 1844, avant que l'enthousiasme du bibliophile Jacob (alias Paul Lacroix) ne rendît au jour une œuvre que son anticonformisme avait sans doute dérobée à la gloire. Lorsqu'en 1897 Edmond Rostand donna son Cyrano de Bergerac, il crut peut-être par une imposture réparer une injustice. Ce qui eut du moins l'intérêt d'attiser l'ardeur vigilante de Remy de Gourmont ou de susciter les recherches érudites de Frédéric Lachèvre. Mais, pour le public, le nom de Cyrano restait celui d'un nez, ou d'une épée fleurie de vers lyriques, lorsque tout à coup, à la Noël 1968, l'auteur de l'Histoire comique des États et Empires de la Lune eut droit aux honneurs qu'on aurait pu craindre provisoires d'une « information » où l'on s'était passé le mot. Par chance, il n'en fut rien. En posant le pied sur la Lune, le premier astronaute allait raviver durablement l'intérêt jusque-là languissant que l'on portait à l'un des plus libres, des plus puissants esprits de la première moitié du XVIIe siècle.