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RELATIONS EST-OUEST
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Edité par Encyclopædia Universalis - 2009
La question des relations Est-Ouest remonte à la révolution russe de 1917 ; elles se sont développées à partir d'une trame qui n'a pas beaucoup changé jusqu'à la disparition de l'U.R.S.S., en décembre 1991 ; elles reposaient sur l'existence de deux blocs cimentés par la dépendance, l'allégeance ou l'alliance ; elles ont connu des phases diverses, marquées tantôt par l'aiguisement des antagonismes (années vingt, ère de la guerre froide), tantôt par le relâchement des tensions et l'esprit de coopération (coalition antifasciste, période 1942-1945).Il y eut une accalmie après la guerre froide et la crise de Berlin, puis à l'âge d'or de la détente (1969-1973) a succédé une période plus troublée, qu'on peut appeler l'ère de la guerre fraîche (1973-1980).Les années 1979-1983 – à la suite des percées soviétiques en Asie et en Afrique, avec l'intervention en Afghanistan et la crise des euromissiles – marqueraient la fin de la détente, c'est-à-dire de la perspective – ou de l'illusion – d'interdépendances croissantes entre les deux blocs, transformant peu à peu l'Union soviétique en puissance de statu quo. Or, à partir de 1985, les rapports américano-soviétiques retrouvent certaines apparences du début des années 1970, l'âge d'or de la détente : tenue de sommets, accords sur les armements... Cependant, en deçà des deux superpuissances, les données du jeu international ainsi que les sociétés ont continué d'évoluer, soulignant l'omniprésence et les vulnérabilités du système Est-Ouest. Ce qui détermine en définitive les années 1980, ce sont des facteurs intérieurs, qu'il s'agisse des États-Unis, avec la remise en cause de la présidence impériale, qu'il s'agisse de l'Union soviétique, où l'on passe du crépuscule brejnévien au réformisme gorbatchévien.Le 27 décembre 1979, l'intervention des forces soviétiques en Afghanistan porte, semble-t-il, le coup de grâce à la détente Est-Ouest. « J'en ai plus appris sur l'Union soviétique en une semaine que durant toute ma VIe », déclare, non sans naïveté, le président des États-Unis, Jimmy Carter.Alors qu'au cours des années 1969-1973, notamment par la diplomatie des sommets, on voit s'organiser un dialogue global, institutionnel entre l'Est et l'Ouest, la seconde moitié des années 1970 rappelle les ambiguïtés de la détente. Les principes de « bonne conduite » américano-soviétique (sommet Brejnev-Nixon, Moscou, mai 1972) n'arrêtent en rien la partie d'échecs planétaire, chacun des deux supergrands ne pouvant qu'exploiter les occasions qui s'offrent dans le Tiers Monde (Union soviétique en Éthiopie, en Angola ou au Vietnam ; États-Unis prenant appui sur le renversement d'alliance opéré par l'Égypte d'Anouar el-Sadate). En outre, le cœur du dialogue Washington-Moscou – maîtrise des armements nucléaires – révèle ses limites : les accords S.A.L.T. I (1972) et S.A.L.T. II (1979) n'empêchent pas la poursuite d'une course aux armements entretenue tant par le progrès technique (fusées à têtes multiples, ou « mirvage » ; missiles mobiles, et déjà moyens spatiaux) que par la permanence des enjeux, et, notamment, de celui, central, de l'Europe illustré par la crise des euromissiles (1979-1983).Les années 1980 mettent en lumière les deux faces des rapports Est-Ouest : imbrication d'épreuves de force jusqu'en 1983 (euromissiles, Afghanistan, Pologne, initiative de défense stratégique) et renaissance laborieuse, essentiellement depuis 1985, du dialogue (reprise des négociations américano-soviétiques sur les armes nucléaires et spatiales, avènement de Mikhaïl Gorbatchev). Mais il n'y a pas – et il ne peut y avoir – de retour aux années de détente ; la fin de la décennie de 1980 se définit par la recherche d'un compromis, de plus en plus difficile à élaborer, entre la logique des blocs des années 1940-1950 (Alliance atlantique, système soviétique) et la venue à maturation d'évolutions de longue durée (recul et mise en cause de la force américaine ; momification de l'économie soviétique, réclamant des réformes radicales ; fêlures, craquements dans le statu quo européen ; balkanisation du Tiers Monde). La logique EstOuest subsiste, mais elle est bousculée, déstabilisée par un climat dans lequel les références de l'immédiat après-guerre – significations de la Seconde Guerre mondiale, partage de l'Europe, rayonnement du communisme soviétique – se trouvent déplacées, réinterprétées.