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HITTITES
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Edité par Encyclopædia Universalis - 2009
La découverte des Hittites est le résultat d'une longue enquête philologique et archéologique qui débute au temps du déchiffrement des hiéroglyphes égyptiens. Le nom d'un grand pays, en relation avec la cour égyptienne de la XVIIIe dynastie, apparaît dès les premiers textes que lit Champollion : le « Heta », dont les pharaons disent avoir reçu le tribut et dont Ramsès II affirme qu'il le vainquit à Qadesh, en Syrie du Nord. Dans la mesure où l'Orient s'ouvre à la recherche archéologique européenne, on retrouve ici et là, en Syrie du Nord en particulier, d'étranges textes rédigés dans un système d'écriture inconnu, lequel paraît être un système « hiéroglyphique ». Faute d'en connaître l'origine exacte, à tout hasard, on attribue cette écriture aux « Hittites ». En 1887, la découverte fortuite, à Tell el-Amarna, site de l'antique capitale du pharaon hérétique Akhenaton, de la correspondance diplomatique de la cour égyptienne avec ses vassaux de Syrie et les cours de Babylone et d'Assyrie, allait relancer le problème hittite : cette correspondance faisait état des mouvements de l'armée hittite en Syrie et, qui plus est, y figurait également une lettre du roi hittite Souppilouliouma, adressant ses vœux à Akhenaton à l'occasion de son accession au trône.Deux de ces lettres (dont l'une adressée à un roi d'Arzawa) étaient rédigées dans une langue inconnue, mais dans le système d'écriture cunéiforme mésopotamien, donc lisibles. Bien inspiré, mais s'en repentant presque aussitôt, le savant norvégien Knudtzon, en reconnaissait l'origine indo-européenne et en fournissait une première traduction approchée. En 1906, une expédition allemande, dirigée par Hugo Winkler, obtenait la concession des fouilles sur le site de Boghaz-Köy, connu depuis 1839, énorme ensemble de ruines qui paraissait particulièrement prometteur. Après quelques semaines de travail, Winkler recueillait environ dix mille tablettes, écrites pour la plupart en cette langue que la correspondance de Tell el-Amarna désignait comme étant celle d'Arzawa. Rédigés en cunéiforme, la plupart des textes pouvaient être lus mais non interprétés, d'autres, par contre, étaient rédigés en babylonien, et il apparut bientôt que le site sur lequel ils avaient été découverts était celui de la capitale des Hittites, portant alors le nom de Hattousas, et que les textes recueillis constituaient une partie des archives des rois hittites. En 1915, le savant tchèque B. Hrozny démontrait que la langue dans laquelle étaient rédigés les documents originaux des archives de Boghaz-Köy était un dialecte indo-européen, confirmant ainsi l'intuition de Knudtzon. Dès lors se créait une nouvelle discipline de l'orientalisme : l'hittitologie.Partir d'infimes commencements pour parvenir aux plus hauts destins impériaux, tel a été le sort des Hittites. Si l'aventure s'est achevée par une tragédie, la raison en est à chercher non dans une défaillance de volonté, mais dans la simple loi du nombre qui fait que les civilisations ne peuvent résister à l'assaut des Barbares.Les Hittites et des groupes apparentés parvinrent en Anatolie d'une antique demeure où, sans doute, ils communiquaient avec leurs cousins indo-européens au travers des plaines eurasiennes ; ils y arrivèrent par vagues successives ou parallèles, alliés en particulier à leurs proches parents, les Louwites, à d'autres tribus encore moins certainement identifiées. Ils apparaissent dans l'histoire au moment où, au XIXesiècle avant notre ère, les marchands assyriens ouvrent leurs comptoirs à Kanesh (aux environs de l'actuelle Kültepe, au sud de la boucle du Halys), dans la plaine qui entoure le mont Argée, et en d'autres lieux, sur la route qui mène de la capitale assyrienne vers l'Anatolie, riche en métaux.Pourtant, l'Anatolie, dans laquelle les Hittites ont pénétré à un moment encore indéterminé de l'histoire, n'était point à ce moment un « no man's land ». C'est le pays dont, depuis longtemps, les Mésopotamiens tiraient bois et métaux, et celui qu'évoquent des sagas qui disent les exploits des rois et la dynastie d'Agade, Sargon et Naram-Sin, qui pénétrèrent jusqu'en Anatolie centrale, l'un pour venir en aide à des marchands mésopotamiens, l'autre pour combattre une coalition de dix-sept princes dont un « roi du pays hittite », Pamba. Les « Hittites », installés à cette époque en Anatolie, auxquels la nomenclature moderne a redonné leur nom légitime de « Hattiens » (parfois de « pré-hittites ») sont une des plus anciennes populations (autochtones ?) de l'Anatolie : c'est de cette population que les envahisseurs indo-européens prendront leur nom de Hittites.Cette ancienne culture ne laisse guère d'autres traces que les tombes de ses princes, d'une extraordinaire richesse souvent, témoins d'une civilisation extrêmement développée qui s'étend du plateau central anatolien jusqu'aux abords de la mer Noire (Alaca Höyük, Masat, Horoztepe, Mahmatlar). De lointaines relations avec la Troade aussi bien qu'avec la Mésopotamie, et des points de contact avec le Caucase et le Kouban suggèrent un ensemble culturel beaucoup plus vaste qu'il n'apparaît au seul résultat des fouilles anatoliennes.Il n'est pas impossible que les tombes princières « hattiennes » retrouvées à Alaca Höyük, à quelque trente-cinq kilomètres au nord de la capitale hattienne (puis hittite) de Hattousas (aujourd'hui Boghaz-Köy), doivent être attribuées aux princes hattiens à l'hégémonie desquels mirent fin les Hittites indo-européens. Une date aux environs de 2300-2000 est assez admissible pour les sépultures, surtout si l'on considère qu'elle correspond en gros à celle à laquelle les Indo-européens ont dû s'installer dans la région, puisqu'au moment où ils apparaissent dans l'histoire à travers les documents économiques, juridiques et épistolaires laissés par les marchands assyriens, ils ont déjà constitué des principautés. D'autre part, outre des noms de princes et d'individus privés, ces documents font état de fêtes religieuses locales et de termes techniques ; la plupart de ces derniers relèvent de parlers autochtones, notamment hattiens, mais on note aussi des termes indo-européens, que l'on rencontre plus tard en hittite et dont l'utilisation ici doit être le résultat d'une longue accoutumance. Les tablettes assyriennes ont révélé les noms de deux princes anatoliens, Pithana et Anitta, son fils. Tous deux sont mentionnés dans un document retrouvé, grâce à une copie beaucoup plus récente, dans les archives royales hittites de Boghaz-Köy. Il s'agit du remarquable récit, écrit à la première personne par Anitta, qui relate les entreprises militaires de Pithana et d'Anitta, « roi de Koussar », contre les principautés d'Anatolie centrale, notamment Hattous (= Hatoussas), centre de pouvoir hattien, qui fut détruite de fond en comble et maudite. Abandonnant Koussar, Anitta transfère sa capitale à Nesa, qu'il faut probablement identifier avec Kanesh, où un fer de lance portant une inscription à son nom a été découvert.