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STANLEY DONEN (1924-2019)
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Edité par Encyclopædia Universalis - 2019
Comme Vincente Minnelli, Gene Kelly ou Bob Fosse, Stanley Donen était rongé par l'inquiétude. L'art du musical est de nous faire croire qu'il est futile : il faut donc masquer à quel point le réel peut vous blesser. Seul le « divin » Fred Astaire paraît échapper à l'anxiété, sans qu'on puisse affirmer qu'il n'était pas le dissimulateur suprême. C'est dans cet univers d'illusion réparatrice que l'œuvre de Stanley Donen vient trouver sa place.Stanley Donen naît le 13 avril 1924 dans une famille juive bourgeoise à Columbia, en Caroline du Sud. La communauté juive y est rare et les sentiments antisémites fréquents : Stanley le ressent et s'enferme dans la solitude dont le délivre, justement, la « révélation » Fred Astaire. Ainsi, dès Carioca (Flying down to Rio, 1933, Thornton Freeland), Donen s'est choisi son sauveur. Et la danse, quand le cinéma en décuple le potentiel onirique, sera pour lui le moyen d'échapper à l'angoisse. Il va donc prendre des leçons de danse sans jamais se lasser. À seize ans, après un semestre à l'université, il se dirige vers Broadway. Sa souplesse, sa précocité, sa soif inextinguible d'apprendre le font remarquer. En 1939, George Abbott, le célèbre metteur en scène de musicals de l'époque, l'engage pour Pal Joey, spectacle de Richard Rogers et Lorenz Hart, dont la vedette est Gene Kelly. Devenu l'assistant de ce dernier, il n'a que dix-huit ans quand il se retrouve à Hollywood avec l'acteur-danseur, sous la houlette du producteur Arthur Freed.En utilisant toute la magie de la technique, Donen peaufine des chorégraphies audacieuses et révolutionne un genre : ainsi de la danse avec son double (La Reine de Broadway [Cover Girl], 1944, Charles Vidor) ou avec un personnage de dessin animé (Escale à Hollywood [Anchors Aweigh], 1945, George Sidney). Quand Kelly réalise enfin un film (Un jour à New York [On the Town], 1949), Donen le seconde. L'apport du jeune homme est tel que Kelly le fait figurer au générique comme coréalisateur. Dès son deuxième film, Donen dirige l'homme qui l'a inspiré, Fred Astaire, et lui offre la réalisation impeccable d'un de ses plus beaux numéros (Mariage royal [Royal Wedding], 1950) où on le voit, grâce à un décor pivotant, danser sur les murs et au plafond… Et puis c'est Chantons sous la pluie (Singin'in the Rain, 1951), de nouveau en coréalisation avec Kelly : à l'époque éclipsée par Un Américain à Paris (An American in Paris, Vincente Minnelli), ce n'est qu'avec le temps que l'œuvre va s'imposer comme le classique des classiques, et le seul musical à être si présent dans les listes périodiques des « meilleurs films du monde ».Donen signe quelques comédies anodines, des comédies musicales à petit budget dont il fait de vrais bijoux (Donnez-lui sa chance [Give a Girl a Break], 1952) et d'autres, à gros budget, qu'il sait émailler de moments de grâce (Au fond de mon cœur [Deep in My Heart], 1954). Sa carrière solo trouve son apogée avec l'endiablé Les Sept Femmes de Barbe-Rousse (Seven Brides for Seven