MATIÈRE (physique) - État solide

Article

Daniel CALÉCKI

Source : Universalis Edu - 2017

La matière se présente principalement sous trois états simples : gazeux, liquide et solide. Ce qui distingue l'état solide des deux autres états est l'incapacité d'une masse solide à épouser la forme du récipient dans lequel on la place ; en revanche, un gaz s'empresse d'envahir tout le volume qu'on lui offre et un liquide prend la forme de la partie du récipient qui le contient. Ce qui caractérise également un solide, c'est la résistance qu'il oppose à une force mécanique exercée sur sa surface ou encore à une force de cisaillement.À température suffisamment haute, toute matière se présente à l'état fluide, voire à l'état gazeux. En abaissant, à pression fixée, la température d'une masse de matière, on observe, en général, une transition vers l'état solide, qui se produit à une température caractéristique de la matière étudiée. Ainsi, à la pression atmosphérique et à la température appropriée, tous les corps (à l'exception de l'hélium) peuvent se présenter à l'état solide.À une température et à une pression déterminées, peut-on prédire l'état stable sous lequel la matière nous apparaîtra ? La thermodynamique statistique répond en principe à cette question : c'est l'état pour lequel l'énergie libre de Gibbs (cf. thermodynamique) est minimale.La physique des solides occupe un champ très vaste, aux frontières imprécises, qui a surtout été défriché au xxe siècle, en utilisant la mécanique quantique et la mécanique statistique quantique, disciplines récentes. Le rôle de la physique des solides est d'interpréter et éventuellement de prévoir, à l'aide de théories microscopiques, les propriétés structurelles des solides (arrangement spatial ordonné ou désordonné des atomes) et leurs propriétés mécaniques, électriques, thermiques, magnétiques et optiques. Selon la nature des atomes qui les composent, les solides se rangent dans des catégories variées : métaux, semi-conducteurs, isolants, supraconducteurs, solides magnétiques, polymères, verres, etc., aux propriétés extraordinairement diversifiées. Les retombées technologiques de la physique des solides sont immenses, tant par leur diversité que par leur importance économique : maîtrise des procédés métallurgiques, transistors et puces de tous les systèmes informatiques, lasers à semi-conducteur, mémoires magnétiques pour la lecture de l'information, détecteurs de rayonnements et de particules, etc. Au cours des années 1980, des découvertes très importantes ont été faites, tant du point de vue fondamental que des applications ; on peut citer l'effet Hall quantique, les quasicristaux (cf. quasicristaux), les supraconducteurs à haute température critique, les super réseaux à semi-conducteur et les multicouches métalliques magnétiques. De nouvelles techniques de préparation et d'analyse de couches ultraminces (quelques nanomètres d'épaisseur, soit quelques millionièmes de millimètres) permettent de nombreuses investigations sur les surfaces et les interfaces à l'état solide.On se limitera ici aux aspects les plus fondamentaux, communs à tous les solides ou permettant de les différencier. Un solide contient un nombre d'atomes qui est de l'ordre du nombre d'Avogadro (NA = 6,02 × 1023). La connaissance des propriétés des atomes est indispensable au physicien, mais elle n'est pas suffisante : en effet, il est confronté à un nombre gigantesque d'électrons et de noyaux interagissant, essentiellement, par l'intermédiaire de forces coulombiennes. Le premier objectif du physicien devrait être de prédire comment, à l'état solide, ces atomes vont se structurer spatialement ; mais il est hors d'atteinte, même avec l'aide des moyens informatiques les plus puissants. La structure du solide étudié est donc une donnée de départ, déduite d'observations expérimentales, telles que la diffraction des rayons X ou des neutrons. Ce problème relève de la cristallographie (cf. cristaux). Est-on alors en mesure de prévoir les propriétés de ce système organisé d'électrons et de noyaux en interaction ? Le problème est encore beaucoup trop complexe et l'on est amené à faire une première approximation pour séparer l'étude des noyaux de celle des électrons. Cette approximation est une généralisation de celle qui est utilisée pour les molécules ; elle est due à deux physiciens, Max Born (Prix Nobel 1954) et Julius Robert Oppenheimer. Elle repose sur l'idée que les électrons doivent se déplacer autour des noyaux avec des vitesses très supérieures à celles de ces derniers ; en effet, les électrons sont soumis à des forces d'une intensité comparable à celle qui s'exerce sur les noyaux, mais ils ont une masse au moins 2 000 fois plus faible que celle des noyaux. En conséquence, pendant que les électrons exécutent un grand nombre de révolutions autour des noyaux, ces derniers se déplacent très peu. Pour étudier les noyaux, l'approximation de Born-Oppenheimer (B.O.) remplace l'interaction avec les électrons par une interaction moyennée sur plusieurs révolutions électroniques ; cette moyenne fait disparaître le détail du mouvement des électrons. Ainsi, dans les équations du mouvement des noyaux, les variables dynamiques des électrons n'interviendront plus. L'approximation de B.O. permet d'analyser comment les noyaux vibrent autour de leur position moyenne et est à l'origine de la théorie des phonons dans les solides. Pour les électrons, l'approximation de B.O. dit que les vibrations des noyaux sont si lentes que l'on peut considérer ces derniers comme immobiles et localisés à leur position moyenne. La description des électrons est ainsi réduite à celle d'un gaz de particules identiques chargées négativement, interagissant entre elles et avec des centres fixes constitués par des noyaux immobiles et chargés positivement. Hélas, les interactions coulombiennes entre électrons constituent encore un obstacle majeur pour élaborer une théorie exacte qui les prenne en compte. Pour les électrons du solide en provenance des couches les moins liées au noyau dans l'atome isolé (c'est-à-dire les plus éloignés), il est possible de simplifier grandement leur contribution à beaucoup de phénomènes : tout se passe comme si leurs interactions coulombiennes mutuelles pouvaient être négligées. La compréhension de ce résultat approché est délicate et repose sur une approximation utilisée pour la première fois par Douglas R. Hartree et Fok (cf. physique quantique) ; elle est liée à la neutralité électrique à l'intérieur des solides, qui existe même à l'échelle des distances interatomiques et découle d'une certaine compensation entre les énergies d'interaction électrons-électrons et électrons-noyaux. Les interactions coulombiennes entre électrons étant ainsi neutralisées, les électrons deviennent indépendants ; il suffit alors de connaître les propriétés de l'un d'entre eux : ce sont celles d'un électron soumis à un potentiel qui traduit finalement son interaction avec le milieu dans lequel il se déplace. Dans le cas d'un solide cristallin, ce potentiel possède toutes les propriétés de symétrie et en particulier de périodicité du cristal ; sur ce résultat repose l'une des théories les plus célèbres de toute la physique des solides : la théorie des bandes d'énergie.Seul l'état solide proprement dit sera traité dans cet article. Les propriétés électroniques, électriques, optiques, magnétiques ou thermodynamiques des solides seront développées dans les articles conductivité électrique, optique, magnétisme et thermodynamique.Les deux approximations de Born-Oppenheimer et de Hartree-Fok conduisent à l'image élémentaire suivante d'un solide. Les noyaux et leurs électrons les plus proches, qui leur sont le plus liés, forment des ions vibrant autour de leur position moyenne. S'il reste des électrons, ce sont les moins liés aux noyaux et ils se répartissent au sein du solide ; ils sont peu sensibles aux vibrations des ions, même si certaines propriétés très importantes, comme la conductivité électrique, en dépendent fortement ; ils interagissent très peu entre eux, même si ces interactions sont fondamentales dans la compréhension de phénomènes aussi célèbres que le ferromagnétisme ou la supraconductivité. Il est évidemment impératif de compléter ce modèle rudimentaire quand on entre dans le détail des phénomènes.

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Biographie

Stéphane Servant, né en 1975 à Carcassonne, est un auteur de littérature jeunesse français, de romans, et d'albums illustrés par divers illustrateurs jeunesse.