ÉCOLOGISTE MOUVEMENT

Article

Bruno VILLALBA

Source : Universalis Edu - 2021

L'écologie politique est née au début des années 1970. Dans de nombreux pays, cette idéologie est restée marginale – notamment dans les pays qui rencontrent le plus de difficultés de « développement » – mais, progressivement, dans d'autres zones (pays développés dits « du Nord »), son influence s'est accrue. Au début du xxie siècle, l'universalisation du modèle productiviste libéral entraîne de profondes modifications économiques et politiques, le « new public management » devient la norme de régulation entre les secteurs publics et privés, et plusieurs secteurs connaissent de profondes mutations : les communications, les biotechnologies (manipulations génétiques ou nanotechnologies) et les échanges internationaux (circulation des matières premières, des produits manufacturés, des services, des personnes…). Dans ce contexte, la situation environnementale internationale continue de se dégrader. Les rapports scientifiques internationaux, notamment ceux du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), de l'Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN), confirment l'accentuation du dérèglement climatique, l'effondrement de la biodiversité et l'artificialisation des sols, dans un contexte de crises sociales et géopolitiques : pressions démographiques, montées des inégalités, accélération des mouvements migratoires (dus aux guerres, à la pauvreté, au changement climatique…), pressions des systèmes techniques (nucléaire, chimique…), émergence de nouvelles maladies…Dès l'origine, les partis écologistes ont interrogé et remis en cause la dynamique qui conduit à ces situations écologiques et sociales dégradées, tout en énonçant une interrogation fondamentale : comment concilier une perspective de croissance économique continue dans un monde aux ressources limitées ? Hypothétique lors de son énonciation originelle, confirmée depuis par les faits, la question est désormais confrontée à l'accentuation des contraintes sociales et écologiques qu'elle anticipait. Face à ces changements, qui ont provoqué et provoquent encore des perturbations majeures dans la vie des personnes et des peuples, les mouvements politiques classiques ne pouvaient apporter de réponses suffisantes. Conservateurs, libéraux, sociaux-démocrates, communistes, réformistes ou révolutionnaires restaient, depuis plus d'un siècle, rivés à des antagonismes classiques : dominants/dominés, possédants/exploités, libéralisme/dirigisme, capitalisme/socialisme, droite/gauche… Désormais, à l'échelle internationale, des partis écologistes élaborent des réponses politiques inédites, articulées autour d'une critique radicale du modèle productiviste – l'accumulation individuelle par la productivité, l'innovation et la croissance continue, destinée à apporter une amélioration du bien-être. Les programmes des mouvements écologistes restent cependant en grande partie façonnés par les contextes nationaux. En conséquence, ils hiérarchisent différemment les questions sociales (croissance des inégalités, urbanisation, guerre…) et les questions environnementales (pollutions, dérèglement climatique, atteintes à la biodiversité, besoins énergétiques…) – hésitant même parfois sur la question nucléaire. La diversité de leurs priorités s'explique aussi par les conditions politiques des pays concernés : la qualité du système représentatif (plus ou moins grande ouverture de l'espace électoral et institutionnel), la qualité du dialogue instauré avec les autres formations politiques (coalitions gouvernementales…), la prise de conscience des populations concernées (modifications des comportements par exemple)…Au-delà de ces différences entre pays, l'écologie politique est cependant porteuse d'une proposition idéologique originale et inédite. Elle met l'accent sur la question des conséquences (sur l'irréversibilité des situations écologiques) et insiste sur la relation de l'homme avec le non-humain (la biosphère, les animaux, les ressources…). Pour autant, sa réponse est protéiforme, dans la mesure où le corpus idéologique de l'écologie reste encore à stabiliser.On verra qu'il en va ainsi de l'écologie politique française. Celle-ci, née comme ailleurs du refus de laisser la situation environnementale se détériorer, a dû tenir compte de particularités locales, notamment des préoccupations tiers-mondistes ou du désir de « vivre autrement » exprimés au sein des milieux militants des années 1970, sans pour autant s'affilier aux théories révolutionnaires dominantes de l'époque. En outre, l'écologie, dernière pensée critique née au xxe siècle, s'est insérée en France dans une arène politique rigide : clivages fortement enracinés, poids des institutions (élection du président de la République au suffrage universel direct, système électoral favorisant les grands partis…), imaginaire technique hérité des « Trente Glorieuses »… Le difficile développement de l'écologie politique en France s'est ainsi heurté à des causes structurelles qui ont freiné la construction d'un mouvement politique solide, bénéficiant d'une assise électorale large, tout en étant confronté comme ailleurs aux problèmes posés par l'élaboration d'une pensée écologiste autonome. Malgré ces difficultés, la politisation de l'écologie a permis aux idées qu'elle portait de pénétrer les politiques publiques – aux échelles locale, nationale et internationale – et d'intégrer la « boîte à outils » de l'ensemble des formations politiques françaises.

Langue
français
Date de publication
2021-10-12

Consulter en ligne

Chargement des enrichissements...