GÉOMÉTRIE ALGÉBRIQUE

Article

Christian HOUZEL

Source : Universalis Edu - 2017

Sous sa forme actuelle, la géométrie algébrique est une branche de l'algèbre relativement récente (cf. algèbre, dedekind). Pour « comprendre » les phénomènes d'intersection des courbes et des surfaces, il s'est révélé nécessaire d'élaborer des techniques compliquées qui se sont développées de manière abstraite et sont venues à leur tour enrichir d'autres domaines des mathématiques (théorie moderne des nombres, fonctions analytiques de plusieurs variables complexes, topologie algébrique) ; pour le profane, cet appareil mathématique peut sembler bien loin de l'« intuition géométrique » !La géométrie algébrique est issue de l'étude des courbes algébriques du plan R2 ou de l'espace R3 et des surfaces algébriques de R3. Pendant le xviiie et le xixe siècle, on s'est aperçu qu'il était plus commode de modifier le problème en se plaçant dans le plan complexe C2 ou dans l'espace complexe C3 ; en effet, C est un corps algébriquement clos, de sorte que les courbes et les surfaces ont toujours « suffisamment » de points à coordonnées complexes, alors qu'il peut n'y avoir aucun point à coordonnées réelles (comme c'est le cas pour la courbe d'équation x2 + y2 + 1 = 0). On a observé aussi que certains énoncés intéressants n'étaient vrais que si l'on complétait les courbes et les surfaces par des « points à l'infini », se plaçant ainsi dans le plan projectif P2(C) ou dans l'espace projectif P3(C) ; les courbes ou les surfaces y sont définies par des équations polynomiales homogènes portant sur les coordonnées homogènes.Cette diversité de points de vue (réel ou complexe, affine ou projectif) a dû être encore élargie lorsque la théorie des nombres a mis en évidence l'intérêt de l'étude des courbes algébriques définies sur des corps autres que R ou C, comme les corps finis ou les corps p-adiques ; la théorie des équations diophantiennes conduit même à considérer des courbes ou des ensembles algébriques définis sur un anneau tel que Z. Pendant la première moitié du xxe siècle, l'école allemande a développé la théorie des ensembles algébriques (de dimension quelconque) de l'espace affine kn ou de l'espace projectif Pn(k), k étant un corps de base algébriquement clos arbitraire.Pour l'étude des propriétés intrinsèques d'un ensemble algébrique, il est plutôt gênant d'avoir à le considérer comme plongé dans un espace affine ou un espace projectif. Le problème se pose donc de définir des « variétés algébriques abstraites », non plongées dans kn ou Pn(k), un peu comme on définit des variétés différentiables indépendamment d'un plongement dans Rn en géométrie différentielle. De telles variétés abstraites ont été définies par A. Weil (1946). Une définition équivalente, plus simple et plus maniable se trouve dans l'article de J.-P. Serre, « Faisceaux algébriques cohérents » (1955) ; elle est inspirée de la théorie des espaces analytiques. Dans le présent article, nous donnerons la définition de Serre un peu élargie, en prenant comme corps de base un corps algébriquement clos. Le cas d'un corps de base non algébriquement clos, ou d'une base plus générale, s'exprime bien dans le cadre de la théorie des schémas de A. Grothendieck, qui généralise considérablement celle des variétés algébriques au sens de Serre en partant du même point de vue.

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