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Sur la liberté : la maison, la prison, l'exil... et le monde / Yassin Al-Haj Saleh
Livre
Edité par L'Arachnéen. Paris - 2025
Après une préface de Catherine Coquio qui introduit admirablement Yassin al-Haj Saleh, le recueil s'ouvre sur trois textes ayant pour thème central les dimensions relatives de la liberté, analysée au prisme du "moi" , de la "maison" , de la prison (l'auteur parle de "prison consentie" , gage d'une certaine forme de liberté), de l'exil, et des formes multiples de "l'illiberté" : "la liberté dont jouit le monde de l'exception au-dessus de la loi, écrit-il, est intrinsèquement liée à l'illiberté que subit le monde de l'exception en-dessous de la loi". Ces trois textes relèvent d'une réflexion philosophique et politique complexe, mais sont écrits dans une langue concrète, sans jargon. Puis, dans un long entretien passionnant, Yassin al-Haj Saleh répond aux questions précises et informées de Catherine Coquio et Nisrine Al-Zahre. Avec, en arrière-plan constant de sa réflexion, "l'hermétique absence de Samira" (son épouse, enlevée avec trois autres militants des droits de l'homme dans la zone insurgée de Douma le 9 décembre 2013) et la dévastation de son pays par la guerre et la dictature des Assad, il aborde des questions diverses : l'apparition en Syrie d'une nouvelle écriture, masculine et féminine (il parle d' "écriture peuplée"), directement issue de l'expérience de la guerre et de la prison et comparable à la "littérature de témoignage" liée à la Shoah ; son espoir dans l'avènement d'une communauté qui donne du sens à la souffrance (il relève l'origine commune, en arabe, de ces deux mots) ; la nécessité de combattre le nihilisme du pouvoir dictatorial comme celui des islamistes ; l'analogie de l'organisation de la révolution syrienne avec celle de la Commune ou avec le modèle "conseilliste" ; sa lecture critique d'Hannah Arendt ou de Giorgio Agamben ; l'impératif d'écrire une "tragédie de l'oubli" ...