FED (Federal Reserve System ou Système fédéral de réserve américain)

Article

Dominique LACOUE-LABARTHE

Edité par Encyclopædia Universalis - 2009

Le système monétaire des États-Unis a connu bien des expériences, vécues comme une longue suite d'erreurs et d'apprentissages. Du point de vue de son organisation institutionnelle, il n'est doté d'une banque centrale que depuis 1913. Dans la recherche d'un régime monétaire optimal, le Congrès américain a écarté les modèles britannique ou français qui font, d'après lui, la part trop belle à une banque nationale placée sous le contrôle direct du gouvernement, et investie d'un pouvoir centralisateur. La deuxième tentative pour instaurer une banque nationale d'émission a avorté, après le veto opposé en 1836 par le président Andrew Jackson au renouvellement de la charte de la Second Bank of the United States : la voie de l'uniformisation et du monopole de l'émission monétaire qui devait permettre l'instauration d'une véritable banque centrale a ainsi été fermée pour longtemps. La première organisation bancaire fédérale durable n'a pris corps qu'en 1863, avec le Système bancaire national (National Banking System) et elle s'articulait non sur une banque centrale, mais sur une agence fédérale dépendant du Trésor, l'Office of the Comptroller of the Currency (O.C.C.). Après la création du Système fédéral de réserve (le Federal Reserve System, F.R.S. ou Fed), en 1913, une gestion partagée du régime monétaire s'est instaurée et il fallut attendre l'accord avec le Trésor, en 1951, pour que le Bureau des gouverneurs du Système fédéral de réserve conquière enfin l'autorité d'une banque centrale pour fixer les taux d'intérêt.Un régime monétaire efficace doit s'efforcer de réaliser la stabilité monétaire et financière. La stabilité monétaire se rapporte à la variation des prix que déterminent l'ancrage nominal de la monnaie nationale et les conditions d'émission des espèces monétaires et des moyens de paiement substituables, les dépôts bancaires. Après avoir cherché en vain, pendant les années 1920 et la grande dépression des années 1930, des instruments de contrôle efficaces de la monnaie et du système bancaire, le Fed parvint, au tournant des années 1950, à définir plus clairement ses missions. Pour réaliser les objectifs qui lui sont assignés de stabiliser les prix et de soutenir l'activité économique, il surveille la quantité de monnaie et sa vitesse de circulation et relève les taux d'intérêt quand l'inflation et la production réelle augmentent trop vite.Ce type de politique monétaire a cependant montré ses limites en raison de retards de réaction aux changements conjoncturels, et des excès d'ajustement qui en découlent. La référence à la quantité de monnaie perd de son importance au fur et à mesure que les différents agrégats permettant d'en mesurer la demande deviennent plus instables. La politique monétaire s'efforce alors de définir une règle de fixation du taux d'intérêt de référence directement en fonction du taux d'inflation et de la production réelle.La stabilité financière est relative à la supervision et au contrôle des établissements qui participent à la création et à la circulation des moyens de paiement. En effet, la liquidité des réserves qui garantissent la valeur de l'émission est essentielle à la sécurité des banques. Ces réserves ne représentent qu'une faible fraction du montant des émissions et les institutions sont fragiles puisque leurs autres actifs ne sont mobilisables qu'à plus long terme (actifs illiquides). Elles sont donc soumises à une menace permanente de ruée (bank run) déclenchée par une perte de confiance des détenteurs de billets ou de dépôts, qui en demandent la conversion en liquidités. Ruées et paniques peuvent entraîner le système financier dans la faillite et la sécurité de ce dernier est donc étroitement liée au régime d'émission de la monnaie. À cet égard, le Fed exerce sa fonction de prêteur en dernier ressort, avec la plus grande parcimonie cependant, pour ne pas risquer de déresponsabiliser les banques (aléa moral). Il préfère partager avec d'autres agences les fonctions de supervision et de contrôle prudentiel des banques, dans la tradition d'un système antimonopoliste et décentralisé.En fin de compte, c'est aussi l'utilisation judicieuse de la politique des taux d'intérêt qui sécurise le mieux le système bancaire. La baisse forte et rapide des taux d'intérêt constitue le moyen efficace de sortir d'une crise bancaire généralisée. On voit cette solution s'ébaucher tardivement, après l'effondrement du système bancaire, en 1933 ; à nouveau expérimentée, de manière plus systématique, en 1992-1993, cette nouvelle politique des autorités monétaires américaines connaît une réussite notable ; celles-ci parviennent, peut-être pour la première fois, à coordonner efficacement politiques monétaire et bancaire pour assurer simultanément la stabilité monétaire et financière.Au cours de la décennie de 1990 pendant laquelle l'économie américaine connaît une phase de prospérité remarquable, la politique monétaire et bancaire conduite par Alan Greenspan, président du Système fédéral de réserve, a largement contribué à la croissance non inflationniste. La banque centrale se distingue, en effet, par son habileté à fixer les taux d'intérêt au bon niveau et au moment adéquat, sans surprise inutile. Elle sait aussi prévenir les défaillances bancaires, si nombreuses dans les années précédentes, et intervenir efficacement en cas de crise systémique. Elle avait su enrayer le krach du marché boursier en 1987 ; elle parvient à circonscrire la faillite du fonds d'investissement L.T.C.M. en 1998 et à éviter la paralysie du système des paiements interbancaires consécutive aux destructions du 11 septembre 2001. L'art du central banking serait-il enfin parvenu à un stade avancé d'efficacité économique ?

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