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DROIT ROMAIN
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Edité par Encyclopædia Universalis - 2009
Vieux de près de deux millénaires, le droit romain suscite encore aujourd'hui l'intérêt des juristes. Il leur fournit un langage commun, un système de référence, un « champ d'exercice » et, pour le moins, un objet de réflexion. Bien qu'il ne manque pas de détracteurs et que, depuis Rabelais et Molière, il passe pour refuge des pédants, son enseignement, encore assuré dans d'assez nombreuses universités, continue à susciter des travaux de qualité. Comment s'explique cette étrange survie et à quoi tient-elle ? Sans doute à des raisons à la fois historiques et « techniques ». Une lente élaboration, un sens aigu des exigences de la VIe sociale et des adaptations juridiques incessantes que requièrent ses transformations, un souci de justice et d'humanité qui fournit les principes directeurs, une construction logique largement inspirée de la philosophie grecque ont permis aux Romains de façonner un droit qui satisfasse à la fois leur goût de l'ordre et leur sens pratique. Au premier tiers du VIe siècle, un empereur byzantin, dont l'ambition fut de restaurer la splendeur romaine, fit compiler l'essentiel des principes et des solutions dégagés au cours des siècles par les juristes de Rome. Retrouvées après un long oubli dans l'Italie de la fin du XIE siècle, ces « compilations de Justinien » suscitèrent l'admiration. Leur supériorité par rapport au droit coutumier, qui régnait alors dans l'Europe occidentale, est si éclatante que, bien que conçu pour une tout autre société, le droit romain fut utilisé comme un droit vivant, on dira plus tard comme la « raison écrite ». Et c'est ainsi que, lentement, et dans une mesure variable selon les régions, il façonna ce qui au cours des siècles devint le droit de divers États européens. Sa survie était par là même assurée. L'érudition critique s'interroge toujours sur les étapes et les moyens de cette pénétration et sur son bilan dans les divers pays.Dans une autre perspective, l'étude du droit romain ne stimule pas moins la réflexion. Rome constitue en effet un cas privilégié : on peut suivre l'histoire de son droit de ses origines à son apogée ; certains, à propos du droit postclassique, diront jusqu'à son déclin. Des sources insuffisantes certes, mais qui cependant fournissent une certaine information, laissent deviner un droit encore rudimentaire où le ritualisme l'emporte sur l'équité ; ce droit, fait pour une société peu développée et essentiellement rurale, ne connaît qu'un petit nombre d'actes juridiques et laisse à une autorité patriarcale le premier rôle dans la VIe familiale et la gestion des patrimoines. Une documentation beaucoup plus abondante permet de suivre les transformations de ce droit archaïque accomplies sous la pression des besoins d'une cité qui devient peu à peu maîtresse du monde. Les mécanismes de ces mutations sont connus ; certaines peuvent être datées. Puis, après l'apogée d'un « âge classique », on constate de nouveaux changements (adaptation ou régression, selon les interprètes) qu'imposent les conditions de VIe du Bas-Empire. Et cette interaction incessante entre les forces politiques, économiques, sociales, voire intellectuelles et religieuses, et le droit romain n'est sans doute pas le moindre intérêt de l'étude de ce droit.
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