POLÉMOLOGIE

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Michel-Henri GIÈS

Edité par Encyclopædia Universalis - 2009

La polémologie est née en 1945 d'une réflexion sur l'échec du pacifisme. Constatant que les condamnations successives de la guerre n'avaient jamais réussi à la prévenir, Gaston Bouthoul, puis les chercheurs qui ont travaillé avec lui, ont voulu explorer des voies nouvelles en adoptant pour principe : « Si tu veux la paix, connais la guerre. » Sociologie des guerres, la polémologie apporte un savoir et se développe en dehors de toute praxis. Son approche se veut, selon l'impératif wébérien, axiologiquement neutre. Si son objet premier est une recherche causale, le projet polémologique ne se limite pas à une étiologie des conflits : il cherche à les appréhender par une approche fonctionnelle. Il prend ainsi le contre-pied des démarches dont le fondement éthique exclut par principe toute nécessité fonctionnelle aux phénomènes belliqueux. Repoussant la tentation de l'irénisme, il se fixe comme tâche l'étude des conflits parce que ceux-ci sont observables et quantifiables ; il ne leur reconnaît donc aucun caractère exceptionnel par rapport à une norme qui serait la paix.Bien que l'objectif déclaré de la polémologie soit de rendre possible, par une meilleure compréhension des guerres, la recherche d'un substitut fonctionnel, elle n'est pas un discours de l'action finalisée et reste une phénoménologie. Ses limites sont donc inhérentes à son objet, qui est l'étude scientifique des guerres, paix et conflits violents, tant au niveau des structures qui les conditionnent qu'à celui des conjonctures qui les génèrent. L'observation des phénomènes forme un préalable à leur maîtrise, mais elle ne constitue qu'un outil. La polémologie est donc conduite à se laisser enfermer dans le champ clos des observations quantitatives au moment même où la violence nucléaire, dont les effets sont difficilement quantifiables parce qu'elle n'agit plus que par ses virtualités, transforme la nature des phénomènes conflictuels.

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