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HORLOGES BIOLOGIQUES
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Edité par Encyclopædia Universalis - 2009
Bien que l'existence de rythmes journaliers soit connue de longue date, chez les végétaux comme chez les animaux, l'idée que ceux-ci reposent sur une horloge interne est assez récente. Jean Jacques d'Ortous de Mairan rapporta à l'Académie des sciences de Paris en 1729 ses observations d'un rythme d'ouverture des feuilles de mimosa, rythme persistant lorsque les plants se trouvaient placés en obscurité constante. Des expériences similaires furent reprises pour de nombreuses espèces végétales et animales, mais il fallut attendre les années 1950 et 1960 pour que l'existence d'une horloge biologique interne à l'origine des rythmes circadiens, rythmes endogènes de période proche de 24 heures, soit admise par l'ensemble de la communauté scientifique. On définit par horloge circadienne une structure interne capable de générer de façon autonome des oscillations d'environ 24 heures. Les différents rythmes circadiens observés chez un organisme peuvent être considérés comme les « aiguilles » de son horloge interne. Les travaux de Colin Pittendrigh (États-Unis) sur l'horloge des insectes et de Jürgen Aschoff (Allemagne) sur celle des mammifères ont permis de définir les grandes caractéristiques des horloges circadiennes, en particulier en termes d'entraînement et de compensation de température (cf. rythmes biologiques).Des horloges circadiennes ont pu être mises en évidence dans l'ensemble du règne animal et végétal, y compris chez les organismes unicellulaires, eucaryotes mais également procaryotes, comme la cyanobactérie photosynthétique Synechococcus. Les propriétés rythmiques des unicellulaires se retrouvent dans les cellules des organismes multicellulaires. Isolées en culture in vitro, certaines cellules continuent à présenter une rythmicité fonctionnelle circadienne, donc ce sont bien des cellules pacemaker, autonomes. Ainsi, des cellules de glande pinéale de poulet produisent de la mélatonine de façon rythmique et des neurones des noyaux suprachiasmatiques de souris présentent individuellement un rythme d'activité électrique avec une période proche de 24 heures (fig. 1).Les horloges circadiennes et les rythmes qu'elles contrôlent permettent aux organismes vivants de s'adapter au mieux à l'environnement périodique dans lequel ils vivent. Cette internalisation du temps astronomique leur confère la capacité, hautement adaptative, d'anticipation. Un organisme sera d'autant mieux adapté si la période intrinsèque de son horloge est plus proche de la période des cycles de l'environnement. Cela a pu être démontré expérimentalement grâce à des mutants de la cyanobactérie Synechococcus (Ouyang et coll., 1998). Lorsque deux souches ayant des périodes endogènes différentes (23 ou 25 ou 30 heures) sont mises en compétition dans une même boîte de culture, la souche dont la période est la plus proche de celle du cycle lumière-obscurité a une meilleure croissance et domine fortement (entre 80 et 100 p. 100 de la population totale). L'horloge circadienne permet également d'établir une organisation temporelle interne, par exemple en séparant des fonctions biochimiques incompatibles. Ainsi, les susdites cyanobactéries oscillent entre une fonction photosynthétique productrice d'oxygène pendant la journée et une fonction de fixation de l'azote (inhibée par l'oxygène) durant la nuit. Chez cet organisme, on a noté que l'expression de la quasi-totalité du génome était sous contrôle circadien. Dans le cas des mammifères, des expériences réalisées à l'aide de puces à ADN indiquent que de 1 à 5 p. 100 des gènes sont régulés de façon circadienne. Elles révèlent qu'un nombre important de voies biochimiques sont soumises à une régulation cyclique dans la cellule, voies qui diffèrent selon l'organe considéré. Ces analyses devraient permettre à terme de comprendre les mécanismes par lesquels l'horloge circadienne module la physiologie de l'organisme tout entier.