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ANTIGÈNES
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Edité par Encyclopædia Universalis - 2009
Dans son acception la plus générale, le terme antigène désigne toute espèce moléculaire d'origine biologique ou synthétique qui, au contact de cellules appropriées du système immunitaire d'un organisme animal donné, appelé hôte ou receveur, est reconnue par ces cellules et provoque un processus impliquant leur activation, connue sous le nom de réaction immunitaire, caractérisée par la synthèse d'effecteurs moléculaires libres ou associés à des cellules ayant la propriété de se combiner spécifiquement in vivo (dans l'organisme de l'hôte) ou in vitro avec l'antigène qui en a suscité la production.Cette définition générale met en évidence deux facettes du concept d'antigène, l'une concernant l'induction de la réaction immunitaire et l'autre l'interaction de l'antigène avec les produits de cette réaction. Dans ce contexte, le terme immunogène, souvent utilisé comme synonyme d'antigène, concerne la première facette du concept d'antigène, lorsqu'on désire mettre l'accent sur l'immunogénicité de la molécule antigénique, c'est-à-dire sa capacité d'induire la réaction immunitaire spécifique de cette molécule. Il est important de souligner que la notion d'immunogénicité d'une molécule donnée est relative, car elle est toujours liée au receveur et dépend, notamment, de son génome, de son passé immunologique et de ses conditions physiologiques du moment.Le concept d'antigène doit être complété par celui d'haptène (du grec haptein, « se fixer à »), proposé en 1921 par Karl Landsteiner. On qualifie par ce terme toute espèce moléculaire (essentiellement des substances organiques de faible masse moléculaire) qui, au contact du système immunitaire d'un individu, est incapable de susciter une réponse immunitaire mais qui, associée ou chimiquement couplée à une macromolécule, biologique ou synthétique, qui lui sert de porteur (carrier en anglais), pourra induire une telle réponse. L'ensemble molécule porteuse-haptène constitue un conjugué hapténique qui entre dans la catégorie des antigènes artificiels. Dans un tel conjugué, l'haptène et les atomes environnants du porteur constituent un site moléculaire antigénique (néoépitope), qui sera reconnu par les anticorps ou les récepteurs T spécifiques de ce déterminant hapténique. Il est important de noter que le concept d'haptène est relatif et dépend du receveur. Ainsi, le polyoside III du pneumocoque est immunogène chez l'homme et la souris, mais ne l'est pas chez le lapin ou le cobaye, chez lesquels une réponse immunitaire pourra être suscitée si l'on injecte le pneumocoque lui-même (servant de porteur naturel du polyoside) ou le polyoside purifié associé à une macromolécule porteuse. Il s'ensuit que, selon l'hôte, une molécule peut se comporter soit comme antigène, soit comme haptène.La réaction immunitaire est l'expression fonctionnelle de la propriété fondamentale du système immunitaire de tout individu de réagir contre n'importe quel antigène exogène ou éventuellement endogène donc propre à l'hôte, et reconnu par ce système comme « étranger ». Les antigènes exogènes peuvent être allogéniques (issus d'individus de la même espèce animale) ou xénogéniques (provenant d'autres espèces animales, d'autres organismes biologiques ou de substances organiques de synthèse).Pendant la presque totalité du XXe siècle, la finalité (« raison d'être ») du système immunitaire (S.I.) a été perçue comme relevant d'une logique défensive contre tout agresseur antigénique dont le corollaire impliquait l'incapacité fondamentale de l'organisme de susciter une réaction immunitaire contre ses propres constituants antigéniques. Il s'agit, dans ce cas, du maintien d'un état de tolérance immunitaire vis-à-vis de ces constituants, autrement dit de l'absence d'auto-immunité. Ce concept est le fondement du paradigme classique de la discrimination fine et spécifique par le S.I. de tout individu entre les antigènes du « soi » (self, en anglais), c'est-à-dire l'ensemble des épitopes propres aux constituants de l'organisme de l'individu, et les antigènes du « non-soi » (non-self) correspondant à l'ensemble des épitopes allogènes et exogènes. Ce principe du tri entre le self et le non-self, selon la terminologie de MacFarlane Burnett, avait été clairement perçu dès 1901 par le microbiologiste et immunologiste allemand Paul Ehrlich (1845-1915), sous le terme horror autotoxicus. Cette appellation sous-entend qu'on peut s'immuniser contre « n'importe quoi », sauf contre ses propres constituants, c'est-à-dire qu'on ne se « détruit pas soi-même ». La tolérance naturelle aux antigènes du « soi » (règle d'Ehrlich) a été considérée comme reflétant un verrouillage rigide de leur reconnaissance par le S.I., condition indispensable au maintien de l'intégrité de l'organisme avec toutefois l'éventualité « exceptionnelle » (accidentelle) d'une rupture de cette tolérance dans le contexte pathologique des maladies auto-immunes qui affectent 5 à 7 p. 100 de la population générale. Cette conception d'une opposition radicale, sauf exception, entre le « soi » et le « non-soi », qui a prévalu depuis le début du siècle jusqu'au début des années 1980, n'est plus de mise actuellement. En effet, la détection de faibles quantités d'anticorps « naturels » contre de nombreux antigènes du « soi » dans des sérums normaux en dehors de toute maladie patente suggère clairement que la distinction entre le « soi » et le « non-soi » n'est pas parfaite et que, de ce fait, ces deux facettes ne sont pas antinomiques. Au contraire, il existe entre elles une continuité « physiologique », et donc un équilibre.Chez les Vertébrés, la réaction immunitaire est polymorphe. Dans la plupart des cas, elle se traduit par une réponse immunitaire humorale et/ou à médiation cellulaire, et, plus rarement, par le phénomène de tolérance dans certaines conditions liées à l'hôte et à l'antigène.