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NAVIRES - Hydrodynamique navale
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Edité par Encyclopædia Universalis - 2009
L'hydrodynamique navale, qui traite des rapports du navire avec l'eau qui l'entoure, constitue sans nul doute l'une des disciplines fondamentales que doit maîtriser l'architecte naval au moment d'élaborer un nouveau projet. Ces rapports conditionnent en effet très directement non seulement les formes et les dimensions principales de la carène, mais aussi la puissance de l'appareil propulsif, celle de l'appareil à gouverner, l'échantillonnage de la charpente... Les enseignements de l'hydrodynamique navale sont également utiles au marin qui doit pouvoir diriger son bâtiment quels que soient l'état de la mer et les obstacles à éviter.Si ses origines sont donc aussi anciennes que les navires eux-mêmes, l'hydrodynamique navale ne s'est toutefois établie comme science qu'à partir du XVIIIe siècle. Elle eut alors la bonne fortune d'intéresser des savants aussi prestigieux qu'Euler, Bernoulli, Bouguer, d'Alembert ou Condorcet. Entre autres problèmes, ils se posèrent évidemment celui de la résistance à l'avancement des vaisseaux, non pas tant d'ailleurs pour prévoir les performances d'un navire en construction, que pour trouver une carène de navire de moindre résistance qui, selon les idées émises par Newton dans ses Principes, devait nécessairement être de formes géométriques simples. Les connaissances sur les causes de la résistance faisant alors à peu près complètement défaut, on entreprit des études expérimentales en remorquant, sur des bassins existants, des modèles réduits très schématiques. Les travaux les plus intéressants furent exécutés en Angleterre par Fortney et Beaufoy, en Suède par Chapman, qui fut un éminent architecte naval, et surtout en France. D'Alembert, Condorcet et l'abbé Bossut notamment exécutèrent en 1775, à la demande de Turgot, des essais tendant à évaluer l'augmentation de la résistance lors du passage d'un bateau en canal (cf. gravure). Quant à Romme, il fut l'un des rares à exécuter des essais sur une maquette conforme à un vaisseau réel, l'Illustre (Rochefort, 1785).Quelques-uns, Euler entre autres, pressentaient déjà le rôle que pourraient jouer ces essais à échelle réduite pour le dessin des navires ; cependant, il fallut encore attendre un siècle pour que, les lois de similitude étant maîtrisées, la technique des modèles entrât dans les applications pratiques. Le Français Ferdinand Reech, qui se consacra entièrement à l'enseignement de l'architecture navale, énonça dès 1832 que « les résistances de corps flottants de formes semblables ne peuvent être proportionnelles aux surfaces et aux carrés des vitesses qu'autant que les carrés des vitesses sont proportionnels aux dimensions linéaires ». L'Anglais William Froude compléta cette proposition en distinguant les différentes causes de la résistance, et il réalisa la première expérience convaincante : la résistance à la marche du Greyhound, mesurée au cours d'un remorquage à la mer (1873), fut en effet trouvée supérieure de 10 p. 100 seulement aux prévisions faites à partir des essais sur modèle qu'il avait effectués dans le bassin, construit tout spécialement pour lui par l'amirauté britannique, à Torquay. La méthode des modèles était née. Cette méthode expérimentale d'approche de l'hydrodynamique navale se révéla vite très puissante. L'exemple de l'Angleterre fut peu à peu suivi par toutes les nations maritimes, la France se dotant pour sa part, sous l'impulsion d'Émile Bertin, d'un bassin d'essai de carènes en 1906.Ces bassins furent d'abord tous du type canal, c'est-à-dire suffisamment allongés (plusieurs centaines de mètres dans la pratique) pour permettre de mesurer sur une assez grande longueur la résistance, puis les performances propulsives et le comportement sur houle de l'avant ou de l'arrière. Des installations spécialisées naquirent ensuite : tunnels dépressurisés à circulation d'eau pour l'étude de la cavitation (le premier fut construit par Parsons en Angleterre dans les dernières années du XIXesiècle) ; cuves spécialisées pour l'étude du navire sur une mer venant d'une direction quelconque, régulière puis irrégulière ; bassins spéciaux pour l'étude de la manœuvrabilité...Au total, il n'est guère de phénomène relevant de l'hydrodynamique navale qui ne puisse faire aujourd'hui l'objet d'une approche sur modèle réduit.Si le développement de l'hydrodynamique navale repose donc très largement sur l'expérience, il s'appuie aussi, et de plus en plus, sur la théorie. En particulier, la formation des vagues de surface par le navire, problème spécifique de l'hydrodynamique navale, a suscité depuis l'origine, et suscite encore aujourd'hui, l'intérêt le plus marqué de la part des meilleurs spécialistes. Les travaux sur le sujet ont d'ailleurs conduit à la mise au point de méthodes tout à fait originales.Les intersections avec d'autres disciplines sont grandes pour certains problèmes : c'est ainsi que les méthodes de calcul des hélices marines, et des surfaces portantes en général, ont largement profité de l'effort important réalisé en aérodynamique.Dans tous les cas, la théorie progresse au même rythme que les moyens de calcul, c'est-à-dire exponentiellement, et l'on peut optimiser les projets avec une bonne approximation, l'expérimentation sur modèle continuant à jouer un rôle important dans la vérification des lois élémentaires et la prévision des performances globales du navire. Quant aux essais à la mer, ils restent certainement l'arbitre ultime auquel s'en remettent traditionnellement constructeur et armateur du navire.