ROBUCHON JOËL (1945-2018)

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Jean-Claude RIBAUT

Source : Universalis Edu - 2018

Né le 7 avril 1945 à Poitiers, le chef cuisinier Joël Robuchon est l'un des quatre enfants d'une modeste famille catholique pratiquante. Henri, le père, est maçon ; Julienne, mère au foyer, laissera à son fils le souvenir ému de « moules qu'elle farcissait à la mie de pain, avec de l'ail et du persil ». À l'âge de douze ans, Joël entre au petit séminaire de Mauléon, dans les Deux-Sèvres, pour satisfaire ses « tendances mystiques entre les études et la prière », dira-t-il plus tard. Il éprouve bientôt, lors de ses moments de détente, du plaisir « à aider les religieuses à préparer les repas en cuisine ». En 1960, le divorce de ses parents le contraint à trouver un gagne-pain et met un terme à sa vocation. Le jeune garçon abandonné à lui-même entre au Relais de Poitiers à Chasseneuil-du-Poitou, où ses maîtres d'apprentissage, André Fort puis Robert Auton, lui apprennent la rigueur, la discipline et les rudiments du métier. « Tout pouvait m'arriver, même le pire, confiera-t-il bien plus tard, si je n'avais rencontré à cette époque les Compagnons du tour de France des devoirs unis. » Ce sera désormais sa famille, avec pour nom de baptême « Poitevin-la-Fidélité ». Il deviendra compagnon en janvier 1966 et fera sienne la devise « L'homme doit se réaliser par la qualité de son travail. » C'est bientôt Mai-68 ; cette conviction l'aide à franchir les années de doute qu'il surmonte en approfondissant sa formation, à Paris, au Vert Galant, au Clos des Bernardins et au Berkeley. Ses rencontres avec Alain Chapel (Mionnay), Jean Delaveyne (Bougival), précurseur de la « nouvelle cuisine » et qu'il considère comme son principal mentor, et Charles Barrier (Tours) confortent son engagement. Il déclare, à la mort de ce dernier, en novembre 2009 : « C'est sûrement le premier cuisinier qui a fait son pain lui-même », et ajoute, saluant son savoir-faire extraordinaire, « et puis le meilleur pain, le meilleur saumon fumé, le meilleur foie gras du monde », à une époque où les chefs ne préparaient pas eux-mêmes ces produits.Il devient une bête à concours et les gagne un à un, jusqu'à la distinction prestigieuse de meilleur ouvrier de France (MOF), en 1976. Joël Robuchon jugeait sévèrement cette période : « J'avais appris les bases, mais je ne faisais que réciter un code. » Quand a-t-il pris conscience de son destin ? « Seulement après mon initiation dans le compagnonnage. » Quelques années plus tard, il situait sa rencontre avec la « grâce », au petit matin : alors qu'une grand-mère lui apportait « un panier de morilles fumantes, j'ai eu, dit-il, un moment de béatitude ». Tout au long de sa carrière, il a ressenti cette même vibration devant un produit d'exception. En 1974, à vingt-huit ans, il obtient son premier poste de chef d'une brigade de quatre-vingt-dix cuisiniers à l'hôtel Concorde-Lafayette à Paris (XVIIe). En 1978, il est appelé aux mêmes fonctions à l'hôtel Nikko où il décroche ses deux premières étoiles au guide Michelin. En 1981, Joël Robuchon s'installe à son

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